Les petites tortures

Attention, cet article parle de maltraitance et d’abus parentaux.

Il vient d’être révélé que la bande-dessinée Les petites victoires allait faire l’objet d’une adaptation cinématographique. Cette nouvelle est d’une grande violence pour la communauté autiste.

Il s’agit de l’autobiographie du père d’un enfant autiste qui explique « faire le deuil de l’enfant normal » et raconte comment il a dressé son enfant à paraître moins autiste.

Ainsi, il va par exemple prendre l’enfant dans ses bras et le serrer de plus en plus fort malgré son refus, ses cris et ses pleurs, jusqu’à ce qu’il se taise. Le silence de l’enfant est alors perçu comme une acceptation du contact physique alors qu’il a signifié très clairement son refus auparavant. Cette tactique apprend à l’enfant que son consentement, et le consentement en général, n’a pas d’importance. Elle lui apprend que son corps ne lui appartient pas mais est à disposition des autres, même s’il ne le veut pas. C’est de l’abus, et cela ouvre grand la porte à de futurs abus potentiels.

Forcer un enfant à avoir des contacts physiques qu’il ne souhaite pas est évidemment de l’abus. Lorsque l’enfant est autiste, subitement, cela devient moins évident : on entend dire que le père fait ça pour le bien de l’enfant, quand lui-même reconnaît :

J’aime les câlins et l’idée que mon enfant refuse que je le prenne dans les bras, qu’on se regarde dans les yeux et qu’on rit (sic) ensemble, m’était insupportable.

(Extrait d’une interview du Huffington Post)

C’est donc bien pour son propre plaisir qu’il agit ainsi. Il ne lui apprend pas à apprécier les câlins mais à les subir. C’est tout sauf une « victoire ».

De même, l’enfant ne supporte pas la présence de poussière dans son bain. Quoi de plus logique : un bain est fait pour se laver et se détendre, et la poussière n’est pas ce qu’il y a de plus hygiénique et relaxant. Mais ici, cela devient un trait autistique qu’il faut absolument « guérir ». Au lieu donc de s’appliquer à nettoyer la baignoire, le père préfère s’amuser à ajouter de la poussière au bain de son fils. Vous avez bien lu.

Tout le monde s’accorde à dire que les enfants ont besoin de repères et d’un environnement stable. Cet homme s’emploie pourtant à déplacer régulièrement les meubles afin de forcer son fils à « se libérer de sa routine ».

Ainsi, l’enfant ne dispose d’aucun répit ni refuge. Pas même son bain, sa chambre, son lit. Aucune distinction n’est faite entre père et thérapeute, entre vie quotidienne et thérapie, et cette thérapie ne sert pas les intérêts de l’enfant mais avant tout ceux du père. L’enfant n’apprend pas à être plus à l’aise avec le changement, avec la poussière, avec le contact physique, il apprend à masquer son malaise et ses angoisses. Il n’apprend pas à gérer ses émotions et ses ressentis, mais à les dissimuler et à les enfouir, tout cela pour paraître plus normal aux yeux de son père. Un père qui se demande si son fils aura un jour une copine et des enfants, qui se lamente de devoir abandonner les rêves qu’il avait forgés pour lui, et qui songe même à se débarrasser des livres qu’il avait gardés pour lui.

Il est désespérant que ce soit à nouveau ce type de voix qui soit mis en valeur, quelques mois après la parution française de To Siri with love, alors que la parole des personnes directement concernées est si souvent étouffée et que NeuroTribes n’est toujours pas traduit en français.

Nous avons lancé le hashtag #boycottlespetitesvictoires pour exprimer ce que nous pensons de ce livre, et plus particulièrement à Sombrero Films et Alain Benguigui ce que nous pensons de ce projet de film.

Un autre article sur le sujet par Dcaius

Un autre article sur le sujet par Neiiko

(Deux blogs passionnants que je vous invite à suivre !)

Une liste d’ouvrages parlant de l’autisme écrits par des personnes autistes

Une pétition pour que NeuroTribes soit publié en français

Vous pouvez également trouver des extraits de ma pièce Les antennes et les branches, dont les personnages principaux sont autistes, sur mon blog

Une vidéo de Dcaius et Alistair H Paradoxæ

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